Le Simracing se trompe de Réalité

Fédérer, c’est d’abord réunir des acteurs pour viser un même but. D’un certain point de vue, notre dernière table ronde à plus de vingt-cinq, est le premier signe de l’envie manifeste du Simracing francophone, de se ranger derrière une bannière. Après avoir évoqué les enjeux et les voies possibles de la création d’une fédération, nous avons entamé les débats sur une question fondamentale et structurante. Qu’est-ce que le Simracing ? La réponse paraît simple, n’est-ce pas ? Pourtant, dans notre contexte particulier, il est nécessaire de bien y réfléchir. L’idée n’est pas d’exclure des ligues, des organisateurs, des teams ou simplement des joueurs. Il faut les réunir dans une structure qui les représente tous et sans les diviser. Parlons donc un peu du passé, du présent et de l’avenir du Simracing.

 

Pas besoin de remonter jusqu’au latin et au grec, pour savoir que le Simracing est récent. Une datation au carbone 14 n’est pas assez précise. Le premier jeu de course étant probablement Pole Position, le mot Simracing a été inventé entre les années quatre-vingt et quatre-vingt dix. Ce néologisme est la contraction de « Simulation » et de « Racing » : littéralement, il s’agit de courses simulées. Mais allons un peu plus loin dans le dictionnaire, car ce point est intéressant. Étymologiquement, simuler vient du latin « simulare » qui veut dire « faire semblant ». Selon Larousse, il s’agit d’une « représentation du comportement d’un processus physique, industriel, biologique, économique ou militaire au moyen d’un modèle informatique dont les paramètres et les variables sont les images de ceux du processus étudié. Une simulation numérique repose toujours sur un modèle, sur la représentation simplifiée d’un objet, d’un système ou d’un processus physique, chimique ou biologique ». Ou autrement dit, la simulation est un moyen de représenter la réalité à partir de modèles ou de lois.

Tout est question de perception de la réalité

Parlons donc de représenter la réalité. Parlons donc du lacet. Vous savez, ce mouvement de rotation horizontale autour d’un axe vertical. Cet effet est primordial en Realracing. N’importe quelle voiture, en limite d’adhérence, a des réactions dont le pilote se sert, via ses hanches, pour corriger la trajectoire. C’est ce qu’on appelle communément le sous-virage ou le survirage. Vous le savez, les jeux retranscrivent, sur le volant, l’effet de sous-virage par une direction molle, tandis que le survirage est ressenti par une force directionnelle inverse au virage. Pourtant, je connais des plateformes, et j’en ai parlé ici, où les mouvements de lacet, de roulis, de tangage sont bien mieux reproduits. La plupart des jeux actuels sont capables de générer des mouvements avec un cockpit dynamique. Ce périphérique évidemment n’est pas encore bon marché. Il s’agit de simulateurs haut de gamme. Dans l’idée de cette fédération, pourquoi alors ne pas proposer que seuls les cockpits dynamiques soient considérés comme du Simracing ? Après tout, c’est ce qui aujourd’hui est le plus fidèle à la réalité. Pardonnez-moi cette petite provocation, je force le trait avec bienveillance. Car évidemment le prix de ces simulateurs dynamiques est bien trop élevé. Seules les salles ou des bricoleurs disposent aujourd’hui de ce type de matériel. Le coût est bien un facteur à prendre en compte.

Pour le joueur de console, l’investissement de départ est moindre. L’offre est devenue riche. Project Cars, Assetto Corsa, pour citer ceux qui sont multi-plateforme, ont su fidéliser beaucoup de joueurs. Pourtant, ceux-ci découvrent les jeux de courses simulées avec un pad. Les consoles sont un produit d’appel pour le Simracing. Les éditeurs l’ont bien compris. Le marché n’est pas à ignorer. Porter les jeux PC sur les consoles permet de créer des ponts entre les plateformes. D’autant qu’aujourd’hui, les PS4 ou Xbox One sont à la moitié de leur vie. Ceux qui, depuis trois ans, sont engagés dans des championnats et trustent les victoires, se posent évidemment la question de basculer vers le monde PC, qui permet sans saccade désormais la réalité virtuelle, des triples écrans ou de la 4K. Mais le tarif du billet d’entrée n’est pas donné. Au minimum 1500€ pour un PC neuf, auquel il faut rajouter entre 200 et 500 € pour un volant / pédalier standard. Et il ne faut pas oublier les contraintes d’encombrement. Une installation prend de la place dans un logement toujours trop petit. Le choix du PC est donc forcément réfléchi.

La Convergence vers le Cross-plateforme

Je suis depuis des années dans le Simracing. J’ai joué à Revs de Geoff Crammond sur Commodore 64 en 1988, à Indy 500 sur PC dans les années 1990. Ces jeux étaient le Simracing. Pourtant, ils se pilotaient au clavier. N’étais-je pas un Simracer ? Les jeux qui sont aujourd’hui estampillés simulation, comme iRacing, rFactor2, RaceRoom, Assetto Corsa ou Richard Burns Rally, le seront-ils toujours dans trois ans ? Ce qui est sûr, c’est qu’ils seront un jour le passé du Simracing. L’évolution est inévitable d’autant que le multi-plateforme est déjà une réalité. La définition du Simracing a varié au cours de notre histoire. La convergence des performances des consoles face aux PC, n’est plus un fantasme. Au contraire, je dirais que c’est une volonté de rentabilité économique. Je n’évente pas un secret. Les budgets pour rendre les jeux plus beaux, plus réalistes, plus immersifs sont en pleine croissance. Sortir un jeu pour 1000 personnes, n’est pas réaliste comptablement. Et ne croyez pas qu’il s’agit d’un regret. Je crois fermement que c’est une chance pour le Simracing.

J’ignore ce que les éditeurs ont prévu pour le futur, mais je suis certain que les standards de la simulation d’aujourd’hui évolueront demain. Dans la nature, les plus forts survivent. Pour définir le Simracing vu dans une fédération, il faut voir loin et de façon pérenne. Le multi-plateforme n’est qu’une étape. La suivante sera le Cross-plateforme, qui permettra de jouer sur la même partie avec des PC ou des consoles, des volants ou des pads. Le frein commercial va tomber. Pour le grand public – entendez les investisseurs -, cette distinction entre joueurs console ou PC n’est pas lisible. Et je ne peux que leur donner raison, nous sommes cousins dans une même famille, à savoir les courses simulées. Et quand la compétition aura lieu, tout le monde y viendra, peu importe ce qui est dit aujourd’hui. Rassurez-vous : les meilleurs seront toujours en haut des feuilles de temps. Un talent sur manette aura forcément envie de se battre avec les meilleurs. Une fédération commune facilitera le passage.

Chacun a ses propres références, son passé et sa vision de l’avenir. Ma définition du Simracing n’est évidemment pas la même que la vôtre. Or la fédération doit porter la mienne et la vôtre. Le Simracing doit rassembler, fédérer pour recueillir toutes les différentes manières de pratiquer des courses virtuelles. Nous diviser revient à nous isoler. Plus nous serons nombreux, plus nous serons forts. Le Simracing est une pyramide. A la base, l’ensemble des joueurs. Et les meilleurs seront tout en haut.

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