Passer du rêve à la réalité, de la simulation à la course IRL, c’est une envie que beaucoup de simracers partagent. Même si les opportunités sont peu nombreuses car courir en réel coûte cher. Heureusement, certaines initiatives existent. Nous vous en avions parlé sur notre page Facebook : le site Endurance-info, le centre de formation 2SM Pilotage et le constructeur et organisateur Lamera, avaient lancé, il y a quelques mois, un challenge baptisé « Simulateur Académie Racing ». L’objectif était de sélectionner à terme, deux talents, deux pilotes, un homme et une femme, sans licence FFSA Compétition, pour les préparer à la course : plus précisément, à deux manches de 4 heures, prévues en octobre prochain, sur le circuit de Dijon-Presnois lors de la Lamera Cup. Frédéric Makowiecki, pilote usine Porsche et Nissan, le parrain de l’opération, vient compléter l’équipage du bolide de 320 chevaux pour 910 kilos. Les heureux gagnants (dont l’un n’est autre qu’un de nos abonnés Facebook) sont désormais connus : Margot Carvalhido et Maxime Batifoulier ont décroché leur volant parmi les finalistes. Mais cela n’a pas été simple.
Une première sélection est effectuée sur la base de dossiers et de lettres de motivation, envoyés par quelques 80 candidats. « Des passionnés qui ont fait du track day, des simracers, des spectateurs de course… », précise Félix Barré de 2SM Pilotage, « des personnes venues pour progresser, ou pour passer de l’autre côté ». Parmi lesquels Maxime Batifoulier, pilote virtuel, qui a fait la GT Academy, créé et animé l’Ecole de Pilotage Virtuelle sur Youtube, etc. « J’ai découvert le challenge grâce à votre post Facebook et j’ai eu envie de participer pour pouvoir faire une course qu’on ne peut pas s’offrir normalement », explique-t-il « une vraie course, avec un vrai cadre, avec des professionnels comme Félix ». Côté féminin, il a été plus difficile de mobiliser des représentantes : « nous étions prêts à annuler mais heureusement, 8 candidates se sont présentées », annonce Félix Barré. Margot en fait partie : « Je me suis dit ‘pourquoi pas ?’. J’avais fait des stages de pilotage, et puis l’automobile, c’est une passion dans notre famille. Mon oncle a travaillé chez Renault Sport, mon frère fait de la compétition en karting, mes parents sont agents Renault », explique-t-elle « et déjà petite, j’allais à des événements avec mon père, aujourd’hui je vais voir des courses à Nogaro, au Mans… ».
Une journée test pour les départager
Après décision du jury, ce sont 16 prétendants qui font le déplacement jusqu’à Saint-Malo, pour participer à la journée test chez 2SM Pilotage. Au programme : tests physiques, évaluations sur simulateur et entretien. « La journée a été intense, le timing a du être tenu à la minute près », précise Félix « mais heureusement il n’y a pas eu de couac et c’était vraiment sympa ».
Les épreuves physiques sont faites pour pousser les candidats à bout et tester les limites de leur détermination. « Pour le coup, ça m’a rappelé la GT Academy, au niveau de l’état d’esprit à avoir, ce qui m’a bien aidé », confie Maxime. Margot a aussi un avantage : « même si je suis naturellement sportive, je me suis particulièrement préparée avant le challenge pour être dans de bonnes conditions le jour J, et me donner les moyens d’accéder à la sélection ». Ce qui ne l’empêche pas d’aborder l’épreuve de 400 m un peu tendue : « j’ai donné tout ce que j’avais : j’étais complètement rincée à la fin ». Il valait mieux car, selon Maxime, « c’était particulièrement difficile contre des concurrents bien préparés ou plus jeunes ».
C’est plutôt dans le simulateur que l’académicien GT va pouvoir s’exprimer : l’évaluation consiste en 5 tours de suite, sur le circuit d’Imola ou celui de Barcelone (pour Margot), en Porsche Carrera Cup : « c’est ma voiture préférée dans Assetto Corsa : j’ai d’ailleurs fait un championnat chez les TX3 avec, sous les couleurs de l’Ecole de Pilotage Virtuelle ». Lors de la première séance, l’assistance au freinage est encore possible : les candidats sont même accompagnés et conseillés pour progresser. Pour la seconde, cette fois, point de frein facilité, et il faut taper du chrono car il va déterminer le résultat final. « J’avais le pied qui tremblait sur la pédale de frein, c’était compliqué », confie Maxime. Margot n’est pas seule dans le cockpit pour sa part : le coach reste à ses côtés pour la conseiller certes, mais dans une moindre mesure que lors de la précédente séance, et puisque cela n’enlève pas de point.
Prouver sa détermination
La dernière partie de la journée test restera dans l’esprit de tous, la plus difficile : il s’agit d’un entretien de 5 minutes, au cours duquel il faut convaincre. « Ça passe très vite », selon Margot « j’ai essayé de prouver mon envie d’entrer dans ce monde, ma détermination. J’ai aussi parlé de mon oncle, de mon frère, j’ai même apporté son book… ». Maxime pousse le bouchon jusqu’à préparer l’entretien : « j’ai répété dans la voiture durant tout le trajet vers Saint Malo », avoue-t-il « j’ai expliqué d’où mon envie de faire du sport auto partait : j’ai évoqué mon expérience comme commissaire de piste, l’EPV, ma préparation comme moniteur de pilotage, la GT Academy… Je n’ai pas tout le temps la réussite, mais j’ai faim de challenge, et puis on n’a pas tous les jours l’opportunité d’avoir Fred comme coéquipier. »
Pas facile de trouver les bons arguments mais encore moins de choisir les sélectionnés. « Nous savions qu’il y aurait forcément des déçus », reconnaît Felix « mais le jury était d’accord quant au choix à faire ». Le soir même, vers 20h, les résultats sont annoncés. Maxime est soulagé : « c’était un vrai challenge. Les autres participants avaient déjà de l’expérience en tant que pilotes amateur. Dans ces conditions, il fallait surtout se concentrer sur soi-même ». Margot, quant à elle, ne réalise pas : « j’étais aussi un peu gênée quand on m’a donné le volant. J’avais envie d’exploser, mais mes concurrentes étaient en face de moi et par respect, je n’ai pas trop réagi. » Ce n’est qu’une fois seule, qu’elle exulte : « et depuis, je me refais toute la journée dans la tête. Et je me dis que j’ai eu de la chance de pouvoir participer à une telle expérience ».
Des talents à former
« Maxime a le niveau pour occuper les places à l’avant de la grille », explique le gérant de 2SM Pilotage « pour la représentante féminine, le choix a été plus difficile : Margot n’a jamais piloté, elle devrait logiquement être moins vite, mais elle a des valeurs propres à notre sport ». Nos deux pilotes en herbe analysent différemment les raisons de leur réussite. « Ce sont les tests physiques qui ont joué en ma faveur : j’ai fait 1 min 18 au 400 m », annonce Margot quand Maxime voit son point fort dans le simulateur : « j’étais très vite en vitesse pure, ce qui a vraisemblablement impressionné. En plus, je ne suis jamais sorti de piste. Mais ça ne m’a pas empêché d’écouter les conseils donnés ». Deux suppléants ont aussi été désignés : côté hommes, Abdoulaye Diop et côté femmes, Hélène Dando.
Et tous ont déjà pris rendez-vous au mois d’août pour deux jours de formation sur simulateur à Saint-Malo (couverts par l’émission de M6, Turbo et le site Endurance-info, excusez du peu). Ils tourneront alors d’ores et déjà avec Fred Makowiecki, sur Assetto Corsa et surtout sur le circuit de Dijon-Presnois. Selon Maxime, « c’est la plus grosse partie du travail »… à laquelle s’est déjà préparé Margot de son côté ! La jeune femme a déjà vu la voiture de près, à Nogaro, avant les sélections du challenge, lors d’une manche évidemment de Lamera Cup. « J’ai pu la découvrir avant la course et monter dans le cockpit ». « Un poids de moins de 1000 kg, des pneus semi-slick comme autre avantage : ils vont apprécier la piloter », affirme Félix.
Une vraie aventure humaine
Il vaudrait mieux car les 25 et 26 octobre 2019, ce sont deux courses d’endurance, de 4 heures chacune, qui les attendent. Equipés pour l’occasion par Stand 21, d’une combinaison à leurs noms, ils prendront le volant d’une voiture ornée d’un covering complet réalisé par Hexis. « J’ai aussi prévu une peinture spéciale sur mon casque », annonce Maxime « un point virgule, que je porte déjà en tatouage, en soutien au projet Semicolon (une organisation américaine à but non lucratif, qui vise à aider les personnes touchées par la dépression, le suicide et les addictions notamment, NDLR) ».
L’équipage complété par Frédéric Makowiecki aura certainement envie de faire un résultat ? « On a toujours envie de faire un résultat », confirme Félix « l’idée serait de réussir à faire une Pole dans la catégorie Pro Am et un podium ». « J’ai surtout envie de finir la course avec la voiture entière », déclare Margot « comme de faire de bons temps et de prendre du plaisir. Mais c’est vrai que faire un podium, ce serait top ». « Et si cela peut m’ouvrir des portes dans le sport auto, ce serait un plus », complète Maxime.
Pour l’heure, et avant le lancement du training, un premier bilan peut être dressé sur le challenge « Simulateur Académie Racing ». « Nous avons ressenti cela comme une super expérience, une vraie aventure humaine », déclare Félix Barré « nous avons quand même tenu à réaliser une enquête de satisfaction ». Est-ce à dire qu’une deuxième édition est d’ores et déjà prévue ? « Ce n’est pas encore validé mais en bonne voie », lâche le gérant de 2SM Pilotage. Concentrons-nous pour l’heure, sur la course du mois d’octobre qui devrait finalement décider de la pérennité de cette belle initiative.
Crédits photos : David Bristol